Les sociétés de forage se bousculent dans le Bassin du Levant, en
Méditerranée orientale, pour commencer à exploiter les énormes champs de
gaz qui y ont été découverts. Les inquiétudes sur les dégâts
irréversibles que subirait la biodiversité marine exceptionnelle de
cette zone, ainsi que les restrictions légales sur l’exploitation en
haute mer, sont ignorées à ce jour. "Les fonds de la mer du Levant foisonnent d’une vie d’un genre unique", explique le Dr Sergi Tudela, responsable du programme pêche du WWF Méditerranée. "Une
fois qu’un forage a été réalisé dans un micro-écosystème unique,
celui-ci peut mettre un millénaire ou plus avant de croître à nouveau.
Le WWF condamne vigoureusement le forage aveugle dans ce haut lieu de la
biodiversité car il est susceptible de créer des dommages
irréversibles."
Le gisement d’hydrocarbures, baptisé Léviathan, a été découvert
récemment à 135 kilomètres au large des côtes d’Israël. C’est le plus
vaste gisement d’hydrocarbures en eaux profondes découvert depuis dix
ans. Le gisement de l’Ouest du Delta du Nil, découvert plus tôt cette
année, est quant à lui situé dans les eaux égyptiennes, à 80 kilomètres
au nord-ouest d’Alexandrie. Or ces deux zones abritent un écosystème
marin unique et délicat, d’une grande richesse biologique, où l’on
retrouve des espèces rares d’éponges de haute mer, de vers, de
mollusques et de coraux d’eaux froides, dont certains sont âgés de
plusieurs milliers d’années. Le Bassin du Levant est une zone hautement
protégée par l’interdiction de la pêche au chalut au delà de 1 000
mètres de profondeur. Elle comprend aussi deux zones de pêche
réglementées où les activités potentiellement dangereuses sont limitées,
en raison de la valeur des fonds marins et de leur fragilité. La zone
du Delta du Nil, qui abrite une communauté biologique unique, a été
désignée comme ASPIM – aires spécialement protégée d’importance
méditerranéenne, par le programme d’Action pour la Méditerranée de la
Convention internationale de Barcelone.
La directive cadre Stratégie pour le milieu marin de l’Union Européenne
appelle aussi les États membres à protéger l’environnement marin au
niveau européen et international de toute activité humaine susceptible
d’avoir un impact significatif sur l’environnement marin. Elle les
oblige en particulier à atteindre ou maintenir un bon état
environnemental dans la Méditerranée, y compris dans la Mer du Levant.
Le WWF appelle les États de la Méditerranée orientale, en particulier
Chypre, l’Égypte, Israël et le Liban, et l’UE, à s’assurer que les
normes environnementales les plus hautes soient définies, tant pour les
forages exploratoires que pour l’exploitation commerciale future de ces
gisements de haute mer en Méditerranée orientale. Il existe plusieurs
accords légalement contraignant qui obligent les pays à faire des EIE
(études d’incidences environnementales) complètes avant que
l’exploration gazière ou pétrolière ne soit approuvée. Le plus récent
est l’Offshore Protocol selon lequel les contrôles doivent être encore
plus stricts pour les zones spécialement protégées, comme celles
concernées par ces nouveaux gisements d’hydrocarbures. "Avant qu’une
quelconque société d’exploration gazière ne mette un pied dans cette
partie de la Méditerranée, des EIE complètes et prudentes doivent
spécifiquement évaluer les effets potentiels du forage sur l’intégrité,
la structure et le fonctionnement des écosystèmes marins", rajoute le Dr Tudela.
Dans les eaux françaises des prospections inquiétantes sont également en
cours. En novembre, le navire Bergen Surveyor de la société anglaise
Melrose, profitant d’un permis accordé par le ministre Jean-Louis Borloo
avant son départ, a réalisé une campagne de prospections sismique à
proximité immédiate du sanctuaire Pelagos pour la protection des
mammifères marins du parc national de Port-Cros. Ces campagnes menées
avec des canons sismiques ont un impact acoustique considérable sur les
cétacés qui sont des espèces protégées. Mais elles débouchent surtout
sur des perspectives extrêmement sombres si elles étaient suivies d’une
phase d’exploitation véritable. Dans cette zone de la Méditerranée ce
serait une véritable catastrophe.
WWF France – 04-02-2011